L’Obligation de Vigilance : c’est quoi ?

L'obligation de vigilance : c'est quoi ?

Vous souhaitez sous-traiter des missions auprès d’un entrepreneur ? Rénover les locaux de votre activité avec un artisan ? Ou encore animer un événement exceptionnel en faisant appel à un agent de sécurité ? Quel que soit votre secteur d’activité, lorsque le montant du contrat est au moins égal à 5 000 € HT, vous devez solliciter des documents auprès de votre cocontractant. Pourquoi ? Afin de contrôler s’il est à jour de ses cotisations sociales et fiscales. Le formalisme n’est pas votre fort ? Vous allez vite changer d’avis ! Cet article est une petite piqûre de rappel de l’obligation de vigilance des donneurs d’ordre. 

L’obligation de vigilance des donneurs d’ordre ou des maîtres d’ouvrage : c’est quoi ?

Ce n’est pas une notion nouvelle, mais elle tend à se renforcer au regard des dernières jurisprudences. Son objectif principal étant de prévenir le travail dissimulé (art. L. 8222-1 du code du travail).

Vous êtes concernés par cette obligation si : vous contractez ou avez contracté un contrat (d’un montant au moins égal à 5 000 € HT) avec un sous-traitant en vue de l’exécution d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce. 

Les documents à solliciter auprès de votre cocontractant (lors de la conclusion du contrat, puis tous les 6 mois, jusqu’à la fin de son exécution) sont :

1ère situation : si le sous-traitant est établi en France

Il s’agit d’un document officiel délivré par l’URSSAF (ou la MSA pour les entreprises agricoles) qui prouve que votre sous-traitant a bien déclaré ses salariés (s’il en emploie) et a payé les cotisations sociales obligatoires.

Ce que ce document doit contenir :

  • le nom et les coordonnées de l’entreprise ;
  • le nombre de salariés déclarés ;
  • le montant total des salaires déclarés pour la dernière période.

👉  Vous devez impérativement vérifier que l’attestation date de moins de 6 mois et contrôler son authenticité, en consultant le site de l’URSSAF ou de la MSA (vous pouvez entrer un code de sécurité inscrit sur l’attestation pour vérifier qu’elle est vraie).

Vous devez prouver que votre cocontractant existe légalement et est bien déclaré. Il faut au moins l’un des documents suivants :

1/ Un extrait K ou Kbis (datant de moins de 3 mois) : c’est la « carte d’identité » de l’entreprise inscrite au Registre du commerce et des sociétés (RCS).

2/ Un extrait du Registre national des entreprises (pour les artisans ou les professions réglementées).

3/ Un devis, une publicité ou un mail pro qui mentionne clairement :

  • le nom de l’entreprise,
  • son adresse,
  • son numéro d’immatriculation (RCS ou autre registre légal).

4/ Un accusé de réception provenant du greffe du tribunal de commerce (ou de la chambre des métiers), qui confirme l’enregistrement de l’entreprise.

En application de l’article D. 8254-2 du code du travail, vous devez impérativement vous faire remettre, lors de la conclusions du contrat, la liste nominative des salariés étrangers qui bénéficient d’une autorisation de travail.

Cette liste, établie à partir du registre unique du personnel, précise pour chaque salarié :

  • Sa date d’embauche ;
  • Sa nationalité ;
  • Le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail.

2e situation : cas d’un cocontractant établi à l’étranger

Il s’agit d’un document où figure le numéro d’identification à la TVA (appelé également numéro de TVA intracommunautaire).

Si votre sous-traitant n’a pas ce numéro (par exemple, il n’y est pas soumis), il doit vous fournir :

  • un document indiquant son identité et son adresse ;
  • ou les coordonnées de son représentant fiscal en France, s’il en a un.

Ce document permet de prouver que l’entreprise étrangère est bien affiliée à un régime de sécurité sociale dans son pays, et est à jour de ses déclarations et paiements. Cela peut être :

  • une attestation d’un organisme officiel de son pays (équivalent à l’URSSAF à l’étranger),
  • ou une attestation équivalente conforme aux accords européens (ou internationaux).

Le certificat A1 pour les salariés de l’UE soumis au régime de sa législation nationale peut être sollicité. Mais, il ne garantit pas que l’entreprise étrangère paie ses cotisations. Il peut être retiré par l’institution compétente ce qui entraîne un risque juridique pour votre entreprise (Cass. Soc., 4 novembre 2020, n°18-24.451).

Si aucun document étranger ne peut être fourni, elle peut exceptionnellement fournir l’attestation URSSAF prévue en France… mais vous devez impérativement en vérifier l’authenticité auprès de l’organisme concerné.

1/ Un document officiel délivré par l’administration de son pays, certifiant qu’elle est bien inscrite au registre professionnel (comme notre Kbis en France).

2/ Un devis, une publicité ou un courrier professionnel, à condition qu’y figurent :

  • le nom ou la raison sociale ;
  • l’adresse complète ;
  • la mention de son inscription dans un registre professionnel.

3/ Si l’entreprise est en cours de création, un document datant de moins de 6 mois, qui prouve qu’elle a déposé sa demande d’immatriculation.

Il conviendra de se faire remettre, lors de la conclusion du contrat, une liste nominative des salariés étrangers soumis à autorisation de travail. Le formalisme est identique à celui vu précédemment pour un sous-traitant français.

🚨  Précisions pour les particuliers : l’obligation de vigilance leur est également applicable. Cependant, ils sont seulement tenus de fournir l’un des documents énumérés (qu’ils contractent avec une entreprise française ou étrangère).

Les risques encourus par les donneurs d’ordre ou les maîtres d’ouvrage : la responsabilité solidaire 

Les cas de figure qui engagent la responsabilité solidaire des parties

La loi prévoit trois situations dans lesquelles vous pouvez être solidairement responsable si votre sous-traitant a recours au travail dissimulé (travail au noir) :

Si vous avez eu recours à un sous-traitant ou prestataire qui emploie des personnes sans les déclarer, même indirectement, et que cela a donné lieu à une condamnation pénale, votre responsabilité est engagée.

Si vous n’avez pas effectué les vérifications obligatoires (attestations URSSAF, Kbis, etc.) et que votre sous-traitant avait déjà fait l’objet d’un procès-verbal pour travail dissimulé, vous manquez à votre obligation de vigilance. Résultat : vous pouvez être considéré comme co-responsable.

Si vous êtes alerté par écrit (par l’administration, un syndicat, une association ou un représentant du personnel) que votre sous-traitant ou l’un de ses propres sous-traitants a recours au travail dissimulé, vous devez réagir immédiatement pour lui demander de faire cesser la situation. À défaut, votre responsabilité solidaire peut être engagée.

Les sanctions encourues en cas de manquement à l’obligation de vigilance

Si votre cocontractant fait l’objet d’un contrôle URSSAF en matière de travail dissimulé, vous risquez d’être tenu responsable solidairement en cas de non respect de votre obligation vigilance. Les conséquences ?

  • Sur le plan pénal, vous encourrez 3 ans d’emprisonnement.
  • Sur le plan civil, vous pouvez être condamné au paiement d’une amende allant de 45.000 euros pour une personne physique et de 225.000 euros maximum pour une personne morale.

À cela s’ajoute le paiement des impôts et taxes dues par le sous-traitant, mais aussi de ses cotisations de sécurité sociale, de la rémunération des travailleurs non déclarés et même du remboursement des aides publiques dont vous auriez pu bénéficier. 

L’évaluation du montant de cotisations réclamées par l’URSSAF 

Lorsqu’un donneur d’ordre fait appel à un sous-traitant qui a recours au travail dissimulé, il peut être tenu responsable d’une partie des cotisations sociales non versées.

Les sommes réclamées ne correspondent pas au montant total des redressements infligés au sous-traitant, mais uniquement à la part liée aux travaux réalisés pour le compte du donneur d’ordre. Autrement dit, vous n’êtes pas tenu de payer ce que le sous-traitant doit pour ses autres clients. Cette limite a été rappelée par la Cour de cassation dans une décision du 16 mars 2023 (n°21-14.822).

Pour évaluer ce que vous pourriez devoir, l’URSSAF s’appuie sur la valeur économique de la prestation concernée. Elle prend en compte le prix des travaux ou des services réalisés pour vous, ainsi que les niveaux de rémunération habituellement pratiqués dans la profession. Cette méthode vise à reconstituer, au plus juste, la masse salariale qui aurait dû être déclarée.

En l’absence de preuve sur les durées de travail ou les montants réellement versés, l’administration applique un forfait. Ce forfait correspond à 25 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (environ 11 700 € en 2025) par salarié dissimulé. Cette base forfaitaire est prévue à l’article L. 242-1-2 du Code de la sécurité sociale.

Cette évaluation n’est pas figée et il vous est possible de la contester. Pour cela, vous devez apporter des éléments concrets (documents de chantier, correspondances, attestations, etc.) permettant de démontrer la réalité du travail effectué : durée, coût réel, nombre d’intervenants, etc. Cette possibilité de preuve contraire a notamment été reconnue par la jurisprudence (Cass. soc., 9 novembre 2017, n°16-25.690).


Ainsi, même si vous n’êtes pas à l’origine du manquement, votre responsabilité peut être engagée de manière significative. Il est donc essentiel de respecter scrupuleusement votre obligation de vigilance, afin d’éviter toute implication dans un redressement URSSAF. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite d’ores et déjà à solliciter des attestations auprès de vos sous-traitants, prestataires de service, freelances, et à contrôler leur authenticité. 

Vous avez des questions complémentaires ? Je suis Emmanuelle Delaunay, avocate en droit du travail et de la sécurité inscrite au barreau de Toulouse. J’aide votre entreprise à anticiper les risques de redressement URSSAF.

Image de Maître Emmanuelle Delaunay, avocate en droit du travail au barreau de Toulouse

Emmanuelle Delaunay
Avocate inscrite au barreau de Toulouse

Activités dominantes :
Droit du travail et Droit de la sécurité sociale

Sources :

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