Mon salarié en CDD ne vient plus travailler : que faire ?

Image d'une cheffe d'entreprise les bras croisé, un air triste, qui regarde un poste de travail vide. En arrière plan, d'autres salariés qui travaillent en groupe sur un bureau. Il est inscrit : "mon salarié en CDD ne vient plus travail : que faire?"

« Bonjour Maître, j’ai un salarié en CDD qui ne vient plus travailler. On me dit qu’il ne compte pas revenir. Est-il possible de le licencier ? » Je ne vous le cache pas : l’absence d’un collaborateur génère de nombreux dysfonctionnements en entreprise, tels que : 

  • une désorganisation des équipes et de la production ; 
  • une potentielle baisse de qualité du service client ; 
  • une surcharge de travail pour les autres salariés ;
  • des coûts supplémentaires (heures supplémentaires) ;
  • une incertitude sur la durée de l’absence. 

Mais, elle soulève également des questions juridiques complexes du fait de la nature du contrat de travail. Alors, comment réagir ? Dans cet article, je vous présente les démarches à entreprendre pour agir  efficacement en respectant le cadre légal strict, qui encadre les contrats à durée déterminée. 

I – Mon salarié en CDD ne vient plus travailler : un cas de rupture très encadré

A – Les spécificités du contrat de travail à durée déterminée : les motifs de rupture autorisés

Le Contrat à Durée Déterminée (CDD) lie un employeur et un salarié pour une durée fixée à l’avance. Il prend normalement fin à l’échéance du terme du contrat — lorsqu’il est conclu de date à date — ou lors de la réalisation de son objet — quand il est à terme imprécis (ex. : retour de la personne absente). 

Contrairement au CDI, il ne peut être rompu, avant son terme, que dans des cas limitativement autorisés par la loi (articles L 1243- 1 et suivants du code du travail), à savoir :

  1. un accord mutuel entre l’employeur et le salarié ;
  2. une faute grave du salarié ;
  3. un cas de force majeure ;
  4. une inaptitude constatée par le médecin du travail ;
  5. une embauche du salarié en CDI par un autre employeur. 

Les dispositions précitées sont d’ordre public. Il n’est donc pas possible d’envisager d’autres cas de rupture anticipée dans le contrat. Par exemple : une clause d’indivisibilité, prévoyant que la rupture des relations de travail avec un collaborateur entraînerait le départ de son conjoint. Cette clause serait réputée sans effet. 

B – La faute grave du salarié : l’absence injustifiée et prolongée

Dans le cas d’un salarié qui ne vient plus travailler, c’est généralement la qualification de faute grave qui peut être invoquée. Cependant, pour être reconnue comme telle, l’absence doit être suffisamment sérieuse pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, même temporairement. 

Avant d’envisager toute mesure, il est essentiel de déterminer si l’absence de votre salarié en CDD à son poste de travail est justifiée ou non : 

  • 1re hypothèse : votre employé vous a transmis un motif valable, comme un arrêt maladie, un congé accordé ou un événement familial prévu par la convention collective (ex. : décès d’un proche, absence pour enfant malade, etc.). L’absence est considérée comme justifiée ;
  • 2e hypothèse : votre collaborateur ne se présente pas à son poste sans prévenir ni fournir de justificatif valable dans les délais impartis. Dans ce cas, vous pouvez envisager des mesures disciplinaires ou une rupture anticipée du contrat.

Pour des exemples plus concrets, vous trouverez ci-après deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation à ce sujet : 

  • constitue une faute grave : un salarié absent, sans motif valable, à une journée de formation et à 3 réunions commerciales, alors que sa participation était essentielle pour le suivi et le contrôle de son activité, et que ces absences avaient désorganisé le service (cass. soc., 25 juin 2013, n°11-30.298) ; 
  • ne constitue pas une faute grave : un salarié qui abandonne son poste en raison de son état de santé pour consulter un médecin, celui-ci ayant ensuite prescrit un arrêt de travail pour sa période d’absence (cass. soc., 13 novembre 2008, n°08-40-784). 

C – Les précautions à prendre face à une absence d’un employé

Votre salarié dispose d’un délai de 48 heures pour justifier une absence pour cause de maladie (attention : aux conventions collectives ou aux dispositions du règlement intérieur disciplinaire qui prévoient des dispositions plus favorables). Ne prenez donc aucune décision hâtivement. Restez objectif. Ce d’autant plus que le fait pour votre salarié de vous adresser un arrêt de travail après le délai précité n’est assorti d’aucune sanction (et pourtant il justifie bien sa situation !). 

D – Attention : on ne parle pas de licenciement pour les contrats à durée déterminée ni de présomption de démission

Vous l’aurez noté : un salarié engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée ne peut pas être licencié. Ce mode de rupture de contrat n’est pas prévu par les textes précités, car il n’est applicable qu’aux contrats de travail conclus à durée indéterminée. 

Pareillement, un salarié engagé en CDD ne peut pas démissionner. Sur ce point, le nouveau dispositif de démission présumée, qui est entré en vigueur le 19 avril 2023, n’est pas applicable dans cette situation. L’article L. 1237-1-1 du code du travail qui institue cette possibilité a été placé au titre III du livre II portant sur la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. Les contrats temporaires se trouvent donc exclus de ce mode de rupture. 

II – La rupture anticipée du CDD : la procédure à suivre en tant qu’employeur

A – La mise en demeure de reprendre son poste de travail et de justifier son absence injustifiée

Passé ce fameux délai de 48 heures, il est recommandé d’adresser une mise en demeure au salarié lui demandant de reprendre son activité et de justifier son absence. Cet envoi doit être réalisé en la forme recommandée avec accusé de réception pour conserver une preuve, en cas de contentieux.  

B – La convocation à un entretien préalable disciplinaire

Si le salarié ne répond pas au courrier de mise en demeure, vous pouvez démarrer la procédure disciplinaire en envoyant une lettre de convocation à entretien préalable. N’oubliez pas de préciser qu’une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est envisagée. 

Contrairement aux CDI, aucun délai minimal n’est fixé entre l’envoi de la convocation et la date de l’entretien (cass. soc., 25 octobre 2000, n°98-43.760). Pour les entreprises dépourvues de comité social et économique, la faculté de se faire assister par un conseiller extérieur n’est pas applicable à la rupture des CDD.

En cas d’irrégularité, l’absence de convocation à entretien n’affecte pas le bien-fondé de la procédure. Le salarié a toutefois la possibilité de solliciter des dommages et intérêts pour la réparation du préjudice subi. 

C – La procédure spéciale : cas des salariés protégés

Cela n’est pas courant, mais des salariés engagés en contrat de travail à durée déterminée peut être élu à la délégation du personnel du Comité social et économique, lorsqu’il est présent depuis plus de 12 mois.

Ce dernier peut également être protégé en raison d’un mandat extérieur (ex. : conseiller salarié, conseiller prud’homal, membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle, etc.). 

Si tel était le cas, la rupture anticipée du CDD pour faute grave ne pourrait intervenir qu’après autorisation de l’inspection du travail. À défaut, la rupture serait considérée comme nulle. Le salarié serait fondé à solliciter le paiement des rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat. 

D – La notification de la rupture anticipée du CDD

Cette notification doit être adressée en la forme recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre au salarié. Cette dernière hypothèse n’est que théorique considérant le motif reproché au salarié : son absence injustifiée. 

Comme dans toutes les procédures disciplinaires, elle doit être notifiée : 

  • après avoir respecté un délai de 2 jours ouvrables suivant l’entretien.
  • et dans le mois qui suit la date d’entretien. 

Le non-respect de cette notification constitue une rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée. Dans ce cas, le salarié serait fondé à solliciter une indemnité au moins égale aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme de son contrat de travail. 

III – Les conséquences indemnitaires d’une rupture de CDD suite à une absence injustifiée

A – La suspension de la rémunération 

Tout au long de la procédure disciplinaire, l’employeur suspend le versement de la rémunération de son salarié absent, qui n’a fourni aucun justificatif. Sur son bulletin de salaire, il doit être mentionné « absence injustifiée ». Les heures non réalisées sont déduites. 

B – L’absence d’indemnité de fin de contrat et de préavis

La rupture anticipée du CDD en raison de la faute grave du salarié n’ouvre pas droit à l’indemnité de fin de contrat de 10 % prévue pour les emplois précaires. De la même manière, aucune indemnité de préavis n’est due. En effet, par nature, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, 

Seule une indemnité compensatrice de congés payés est versée sur le solde de tout compte du salarié (en sus de sa rémunération pour les heures de travail réalisées avant son absence). 

IV – Sécuriser vos pratiques RH et prévenir les litiges

A – Les preuves à constituer et à conserver

Pour vous protéger en cas de contentieux, constituez un dossier solide rassemblant :

  • Planning des absences avec dates et heures précises ;
  • Copies de toutes les correspondances (emails, SMS, lettres recommandées) ;
  • Preuves des tentatives de contact (journaux d’appels) ;
  • Témoignages écrits de collègues attestant de l’absence ;
  • Rapports internes sur les conséquences organisationnelles de l’absence ;
  • Compte-rendu de l’entretien préalable ;
  • Documents relatifs à la procédure disciplinaire.

Le juge prud’homal appréciera la réalité et la gravité de la faute en fonction des éléments probants que vous aurez pu réunir. Sans preuve tangible, vous risquez de voir la rupture anticipée du CDD requalifiée en rupture abusive. Si tel était le cas, les Conseillers prud’homaux pourraient allouer au salarié une indemnité égale aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme de son contrat. 

B – Les bonnes pratiques préventives pour éviter les situations d’absence

Pour limiter les risques d’absence injustifiée de vos salariés en CDD, adoptez ces bonnes pratiques :

  1. Des clauses contractuelles claires : intégrez dans le CDD une clause rappelant l’obligation de prévenir en cas d’absence et les justificatifs à fournir.
  2. Un règlement intérieur disciplinaire : obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salariés, il y a de nombreux intérêts à le mettre en place de manière volontaire en deçà de cet effectif, notamment sur le plan disciplinaire. 
  3. Un livret d’accueil : remettez au salarié un document détaillant la procédure à suivre en cas d’absence (personne à contacter, délai, justificatifs).
  4. Un entretien d’intégration : prenez le temps d’expliquer les règles internes et l’importance du respect des horaires.
  5. Un management de proximité : maintenez un contact régulier avec vos salariés en CDD pour détecter d’éventuelles difficultés.
  6. Un suivi personnalisé : réalisez des points d’étape pendant la durée du contrat pour évaluer l’intégration et la satisfaction du salarié.

Ces mesures préventives créent un environnement de travail clair et structuré qui limite les comportements d’évitement et d’absence injustifiée.


Face à un salarié en CDD qui ne vient plus travailler, la réaction doit être à la fois rapide et méthodique. Cette forme de contrat, par nature temporaire, est strictement encadrée par la loi. L’absence injustifiée peut constituer une faute grave permettant la rupture anticipée du contrat, mais cette qualification doit être solidement étayée. La constitution de preuves et le respect scrupuleux de la procédure disciplinaire sont vos meilleures garanties contre un contentieux défavorable. Ne négligez jamais la phase de dialogue et de mise en demeure qui peut parfois suffire à résoudre la situation. 

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Je vous accompagne dans toutes les étapes, de l’évaluation de la situation à la mise en œuvre de la procédure appropriée.

Lors de notre échange, nous analyserons ensemble votre cas spécifique, ce qui me permettra de vous conseiller sur la meilleure stratégie à adopter. Bénéficiez d’un accompagnement personnalisé et sécurisez juridiquement vos démarches.

Sources :

https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F40

Article L. 1243-1 du code du travail

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